Pendant ce temps, je me promène dans la ville à la recherche des images qui arrêtent le temps. La photographie est un moyen de le faire, certes, mais un simple regard posé sur ces lieux mal éclairés est une entrée entière dans l’intervalle que la ville nous offre constamment. Suffit de s’arrêter, d’accepter de s’accorder avec le temps suspendu afin de voir la beauté de ces chantiers.
Il m’arrive pourtant d’être aux prises avec le désir de remplir ces espaces. La plupart d’entre eux feraient une merveilleuse scène, un merveilleux décor, pour une pièce de théâtre. Le hasard fait bien les choses : rien de trop symétrique pour endormir le regard ; à gauche une chaise poussiéreuse, à droite une montagne de plâtre, de métaux et de fils électrique, puis un grand espace complètement vide au-devant pour refléter la lumière. L’intervalle présente à mes yeux la possibilité de représenter, d’ajouter du sens, de performer. Mais je me contente de photographier. Avec ce désir de théâtre, c’est une sorte de barbarisme qui agit. Je crois que l’humain a besoin de signifier tout ce qu’il voit. D’ajouter du sens, justement, à tout ce qui se place devant soi, à tout ce qui n’en a pas, à une chaise vide, à des décombres, à un espace vide. Difficile, oui, de voir le paysage urbain dans le détail car cela oblige de laisser tomber toute signification préétablie. Si la chaise est à gauche d’une ruine, si un escalier mène vers le vide, c’est qu’ils sont là, simplement. Nul besoin de connaître l’histoire. Nul besoin d’inventer une anecdote (la ville est remplie d’anecdotes que nous ne connaîtront jamais). Seulement cela, l’objet, les vides et les pleins. Seulement la présence à laquelle il est difficile de penser sans savoir pourquoi. Un simple répit de la pensée, au bonheur des yeux.
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