7.7.11

Déambulation 35. Question de mouvement


Ceux qui me connaissent savent que mon esprit critique à l’égard des œuvres d’art, toutes disciplines confondues, est très aiguisé. On pense parfois que je n’ai pas de plaisir à jouer le rôle du spectateur, à force de sortir des visites en galerie, des spectacles ou des films avec des commentaires souvent négatifs qui, avec le temps, ne se radicalisent pas mais demeurent aussi acerbes. J’aime ou j’aime pas, la question n’est pas là. Je crois simplement que toute œuvre doit être capable de répondre à une série de critiques, aussi dures soient-elles. Si elles ne tiennent pas le coup, ce n’est pas que je suis de mauvaise foi, seulement je pense qu’une œuvre doit être créée par un artiste qui a le profond désir de penser à tout. Mes critiques, bien souvent, tentent de relever les oublis, incohérences et facilités, parfois avec arrogance mais toujours avec le risque de me tromper. Je suis un spectateur qui demande à un artiste d'assumer que son œuvre se transforme en quelque chose qui ne lui appartient plus tout à fait : je suis un spectateur exigeant. Je crois que je joue mon rôle très sérieusement, surtout avec énormément de plaisir. 


Je n’ai pas seulement erré dans les rues de Barcelone, ces derniers temps. J’ai aussi sauté de façon aléatoire d’un événement culturel à un autre. J’ai rarement eu un esprit aussi ouvert quant au choix des événements à visiter, si bien que j’ai vu un tas de trucs que j’aurais sans doute boudés en temps normal. Le voyage fait ça, la déambulation aussi.

J’ai vu énormément d’expositions dont le type d’art, l’époque ou la nature des œuvres d’emblée m’intéressaient peu. J’ai vu une pièce de théâtre pour laquelle je n’aurais sans doute pas payé à Montréal. J’ai vu un film, j’ai vu de la danse, beaucoup de danse, des chorégraphies dont les trop courtes et trop évasives descriptions ne me disaient absolument rien. Pourtant, j’y suis allé, avec le sourire de surcroît, comme on s’aventure dans un nouveau quartier avec la soif de la découverte. 



Je n’ai pas été déçu, car il n’y avait pas d’attentes, comme le déambulateur qui n’est pas déçu des rues qu’il arpente. Elles peuvent être laides, touristiques, sans âme ou vides, l’expérience en elle seule suffit pour transformer la visite en quelque chose de bien plus fort qu’un débat d’idées. N’en demeure pas moins que peu de ces œuvres valaient le détour. La pièce de théâtre était bâclée. Certaines expositions prenaient le visiteur pour un con, d’autres n’offraient que des images vides de sens. Le film n’avait aucune direction. La majorité des performances dansées étaient stupides, remplies de clichés et de propositions convenues. Ces critiques bien simples ont été formulées à même les visionnements et se sont élaborées par la suite, le soir, une fois arrivé chez moi. Cependant, autre chose est venue supplanter mes remarques, taire mes critiques et réduire par le fait même cette distance qu’elles peuvent parfois créer entre soi et l’œuvre. Je crois que c’est la simple expérience, le fait d’être là, ce que j’ai appelé le mouvement devant une ennuyeuse performance dansée. 



Il s’agit d’un festival de danse dans l’espace public. Une trentaine de petites performances avaient lieu ici et là pendant une semaine, toutes si différentes les unes des autres que cela finissait par donner la nausée. Une beauté se dégageait pourtant de l’événement, appuyée par le nombre impressionnant de spectateurs. J’ai tenté de photographier certaines des performances malgré le peu de lumière et les divers mouvements, comme quoi la danse ne se fixe pas. C’est là que mes jugements se sont cachés, parmi la masse de gens attentifs, parmi les gestes des danseurs suivis par les miens alors que je déambulais d’une performance à l’autre. La danse se critique, je l’ai fait une fois chez moi, mais pas le mouvement. Cela fait des années que je me mets en mouvement, que ce soit par mes pas errants, mes voyages ou mon écriture. C’est bien pour cette raison que je suis – que je bouge – ici, ou ailleurs. Je ne devrai pas l’oublier, une fois rentré à Montréal, malgré que je n’aie absolument pas l’intention d’édulcorer mes critiques. Encore une fois, la question n’est pas là. 








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