25.12.11

DÉMÉNAGEMENT


Ce n'est pas parce que l'Écran Fenêtre a trouvé son domaine qu'il cessera de bouger. La preuve: l'Écran Fenêtre déménage! Une nouvelle adresse, un nouveau look, une nouvelle lancée pour 2012. Peut-être bien un regard neuf sur l'extérieur.
Bonnes déambulations et bons vœux pour la nouvelle année! Rendez-vous au http://ecranfenetre.com.

20.12.11

Déambulation 41. De beaux sentiments pour le temps des fêtes

On ne marche pas pendant le temps des fêtes, on trotte, on court, on saute sur les soldes avec des chiffres dans la tête : budget, bas prix, nombre de cadeaux achetés, nombre de cadeaux à trouver malgré le temps qui file, les jours qui passent, les jours qui restent avant le premier Noël en famille, le deuxième Noël dans l’autre famille, le troisième Noël entre amis, le quatrième Noël au bureau, le cinquième Noël en amoureux, le jour de l’an en famille, le jour de l’an entre amis (et, merde, j’oubliais l’anniversaire d’une telle; tu parles d’une idée de naître le 23!). Pas de place pour l’errance : comme l’argent, les pas sont comptés. C’est ce que je déteste du temps des fêtes. Ça devient une question de comptes. Ça devient une question de sous. Ça devient des riches à la course.  

C’est aussi une question d’amour, on dit. Mais pour l’amour, il faut du temps. 

Pour l’amour, je voudrais prendre le temps de marcher et de regarder la ville se transformer comme le font les enfants qui remarquent chaque lumière posée dans les arbres et croient que les étoiles se rapprochent de la terre tant Noël est magique. Il faudrait s’arrêter comme le disent les comptes de fées, et implorer le ciel plutôt que le maudire pour que la neige finisse bien par tomber. 



Je ne le fais pas, bien entendu. J’ai passé la journée à courir comme un fou dans le quartier le plus désagréable de la ville pour y trouver tous les cadeaux de Noël en une seule journée : pas le temps de laisser traîner ça, trop d’événements, trop de travail, trop d’engagements. Pas le temps pour le temps des fêtes.

J’ai réussi. En quatre heures, Noël était affaire classée. Autant dire que Noël était fini. 

Les bras engourdis, j’ai déposé mes sacs sur le plancher sale d’un café pour prendre le temps, justement. À ma gauche, une dame faisait le bilan de son magasinage des fêtes et se plaignait d’ignorer quoi offrir à son beau-frère qu’elle a eu le malheur de piger pour l’échange en famille. À ma droite, une jeune fille regardait à l’extérieur en parlant au téléphone. Elle se plaignait, elle aussi. Elle avait peur de ne pas connaître, cette année, un Noël blanc. Il est vrai que je porte encore mon manteau d’automne. « C’est gris, juste de la pluie », disait-elle. 

Elle a tout de même terminé sa conversation avec un « je t’aime », puis un autre, puis un « moi plus », et encore un « je t’aime ». Malgré la pluie, le temps des fêtes est encore le temps de l’amour. 

J’ai regardé le ciel qui passait rapidement du gris au noir, laissant cependant découvrir les éclairs du temps des fêtes. Les reflets sur la vitrine ressemblaient à des aurores boréales. Dans le noir, c’étaient des étoiles qui entouraient les arbres. J’ai pensé à cette église photographiée il y a quelques jours, presque laissée à l’abandon, mais dans laquelle on a tout de même posé des lumières festives. Je me suis souvenu que, chez moi, une grande étoile illuminée était accrochée. J’avais pris le temps de la photographier, elle aussi. 







J’ai pris le temps de finir mon café, tranquillement. Mon sourire un peu béat vers la jeune fille n’a pas été bien reçu : elle m’a jeté un de ces regards. Peu importe, j’ai su que le retour à la maison se ferait plus lentement. C’est le temps des fêtes, après tout. J’ai le droit de déambuler avec des airs d’amour et de joie dans la tête. 

20.11.11

Déambulation 40. Cette peur avant la joie.

J’avais peu à faire et le soleil brillait de cette lumière particulière qu’on ne voit qu’à l’automne. J’ai mis le pied dehors pour profiter du beau temps et de ces émotions qui m’habitaient : un certain vertige, une allégresse, mais aussi cette drôle de peur qui s’installe tout juste avant les événements heureux. 

Ma belle-sœur mettait au monde un enfant. J’ai cru bon acheter des fleurs. 


C’est un geste on ne peut plus traditionnel que je pose encore rarement tant il souligne ma maturité : n’est-ce pas que seuls les adultes achètent des fleurs? 

J’entre toujours chez le fleuriste à tâtons. Pendant que je regarde inutilement les arrangements floraux posés ça et là entre la porte et le comptoir, j’ai l’impression que mon manteau pourrait accrocher un vase et le faire tomber. Je tente de lire le nom des plantes sans en comprendre la provenance. Je les trouve toutes belles et je me dis que ce serait trop compliqué. Je n’y connais rien. Je me sens loin de chez moi, les odeurs me montent à la tête, je préfère les feuilles mortes, oranges et brunes. Mais on n’offre pas des feuilles mortes à une femme qui vient de donner la vie. 

Patiente, la fleuriste m’attend, alors que j’hésite. Longuement. On m’a dit que les bouquets d’automne ne sentent pas trop fort, on m’a dit que ce serait apprécié après l’accouchement. Ça tombe bien.

Je finis par choisir sans être convaincu – je ne le suis jamais. La fleuriste toujours patiente prend une éternité pour confectionner le bouquet. Je choisis une carte pour écrire un message. Je pense au message. Ça ne vient pas. Je le ferai plus tard, en chemin vers l’hôpital, en pleine errance. Je pense à ma belle-sœur, je pense surtout à ce qu’aura l’air cet enfant, ce qu’il aimera. Les fleurs seront pour la mère. La carte, pour l’enfant. 


La fleuriste a fait un beau travail : je suis ému. Je pars avec les fleurs et la carte encore vierge pour enfin déambuler. J’a beaucoup à marcher et un peu de temps devant moi. Je croise une amie qui passe rapidement avec un sourire; j’oublie que je tiens un bouquet de fleurs dans mes bras. C’est que la lumière est si belle et me rappelle d’autres jours aussi bien éclairés : cette journée où j’ai marché en zigzags pour me rendre au mariage d’une amie, cette autre journée où j’ai photographié quelques coins de rue près du quartier dans lequel j’allais m’installer, cet après-midi passé à me promener tranquillement pour arriver enfin dans un parc où l’on avait organisé une fête pour le long départ en Europe de ma sœur. Cette année, tous ces moments importants étaient précédés de cette peur avant la joie, d’une petite marche en plein soleil, celui-là même qui réchauffe les fleurs. 




Je ne croyais pas aborder ces événements aussi grandioses que banals. Un mariage, un départ, une naissance, un déménagement : tous ces événements tant attendus et pourtant si nombreux arrivent sans doute plus régulièrement à un certain âge. Je ne suis qu’au début de cette longue route vers la maturité, je n’en suis qu’aux premières fleurs. J’entreprends heureusement ce chemin avec la lenteur et le vertige nécessaires à celui qui erre.